Pourquoi la modification de la loi de 1905 n’est pas pertinente ?

L’exécutif agite le chiffon rouge de l’islamisme pour favoriser le retour des églises dans la vie de la République. Les raisons et les moyens évoqués ne relèvent pas de la loi du 9 décembre 1905 dite de séparation des églises et de l’état. Ce ne sont là que des faux-nez. Et le projet de modification de la loi de 1905 ne semble avoir pour objectif que d’ouvrir la voie vers un nouveau concordat.

Tout le monde n’est peut-être pas pointu dans le domaine, j’apporte donc quelques éléments de réflexion en décortiquant posément les différents éléments, les propositions portées à notre connaissance, et en exposant quelques pistes pour améliorer notre société.

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‘Es geschah im November’ – Kani Alavi. Photo prise sur le mur de Berlin, symbole de la fracture d’une nation.

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Etonnante laïcité

La laïcité n’est pas une doctrine, encore moins une théorie à la façon du marxisme ou du darwinisme. Elle n’est pas une philosophie comme le rationalisme ou le positivisme. Elle n’a pas pour vocation de mobiliser les foules ou d’interpréter le monde, afin de le rendre meilleur. Elle n’est pas à proprement parler une sagesse, même si sa pratique façonne une société plus juste, plus apaisée et des individus plus tolérants. (…)

La laïcité n’est pas synonyme d’anticléricalisme, même si les circonstances où elle est née ont pu prêter à cette confusion. Elle ne forme pas un couple avec la religion, dont elle n’est ni l’envers, ni le contraire, ni un substitut, ni l’alternative. Elle ne se situe pas sur le même plan. Elle est d’une autre nature, même si elle a à voir avec les cultes, les croyances, l’agnosticisme et l’athéisme, dont elle assure la libre expression. Elle n’est évidemment pas un frein ou un obstacle à la liberté religieuse, puisqu’elle garantit à tout citoyen la liberté de conscience, qui en est la forme la plus achevée.
(…)
Elle est essentiellement un principe juridique et politique d’organisation des institutions, le premier et le seul qui permette à chaque citoyen le plein exercice de sa liberté de conscience. Bifurcation majeure dans l’histoire de l’humanité. (…)

Mais la laïcité est plus encore. Elle est une attitude d’esprit et une règle de comportement en société. Elle est une façon d’aborder la connaissance, la science, l’instruction des enfants, sans préjugé ni dogme, avec l’esprit critique comme seul guide. Héritière de la Réforme, de Descartes, des Lumières et du positivisme, elle est fille de la IIIe République, d’Anatole France et d’Alain. En outre, elle entretient un rapport singulier avec la morale qu’elle veut circonscrite à l’humain, (…). Une morale collective, civique, qui n’exclut pas le recours à d’autres sources d’inspiration, religieuse ou philosophique, à condition qu’elles n’entrent pas en contradiction avec les valeurs fondamentales de la République, par exemple l’égalité des sexes. Une morale recentrée sur le bien, ici-bas, dans ce monde, mais qui respecte les croyances dans un au-delà, les rites et coutumes des diverses confessions ou Eglises. Une morale qui ne se préoccupe pas d’enseigner le salut, mais qui n’élude pas les questions de métaphysique et de transcendance. La laïcité, c’est la Raison se défiant d’elle-même. C’est l’éthique dans ce qu’elle a d’universel. C’est peu et c’est beaucoup.

Etonnante laïcité, si méconnue, si pleine de promesses, si jeune encore, un siècle à peine… Elle a survécu à toutes les caricatures, et elles sont féroces. Elle semble échapper des mots usuels et des formules toutes faites : principes, conceptions, valeurs, règles de conduite, mode d’organisation des pouvoirs. Elle est tout cela à la fois. Mais aussi une culture, une façon d’être à soi et aux autres, un projet de vie.

Extraits de « Du principe de laïcité » de Gérard Delfau