Le sourire

La lune était bien seule dans ce petit matin pluvieux. Parapluie, capuche, nez baissé, personne ne la regardait.
Les nuages aux couleurs de trottoir, se délavaient avec abnégation dans une lassitude continue. De leur gris, ils repeignaient la ville. La terre et le ciel se confondaient tristement. Malgré eux. Cette grisaille s’était incrustée dans la fatigue de tous. Nuages et ville compris.

Chacun cherchait un refuge pour échapper au déluge. En chat échaudé qui craint les eaux, je suivais le flot dans le métro.

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Dans les couloirs d’un blanc clinique, s’écoulait toute cette clique. Regard hagard, elle ruisselait lentement dans les escaliers aux néons blafards. Enfin, sans entrain, elle se déversait sur le quai, s’épandant mollement.
Humides nous étions las comme stupides, impavides devant l’attente. Dans ce petit matin chagrin, nous restions comme des ombres muets comme des tombes.

Détrempé chacun s’égouttait. Fatigué chacun affichait ce teint blême que mène une nuit de Bohème. Éteint, chacun n’était que le reflet de lui-même.
Sur ce quai s’étendait la désolation grise des individus marqués des astéroïdes de l’inertie et de l’ennui. Un spectacle lunaire.

Alors que tous restaient immobiles et silencieux, elle chantait et dansait.
Seule là-bas au bout du quai, elle rayonnait.

Elle était d’une incroyable vitalité. Quand nos mines grises s’étiolaient, elle resplendissait d’un sourire radieux. Nous avions froid et elle se réchauffait. Nous fanions et elle s’épanouissait.

Pétrifié de pluie, je l’observais. Solaire, elle rayonnait si fort que je souhaitais capturer cette énergie avec mon appareil photo. Après quelques réflexions, j’entrai en action : je m’approchai en le sortant de mon sac.

Un peu dans la lune, à me demander comment la photographier, comment saisir cette effervescence dans la tristesse de cette nuit pluvieuse, je l’écoutais gazouiller avec joie des airs enthousiastes. Boîtier à la main, je me revigorais à la chaleur de son accent du midi.

Elle avait bien compris mon intention, elle entama une danse frétillante faisant virevolter son parapluie. Elle était belle parée de cette vitalité. Soudain elle se figea. Parapluie sur l’épaule. Yeux malicieux et rieurs. Sourire rayonnant.

J’étais ébloui, la pellicule impressionnée.

Sur ce quai où tout le monde semblait mort de froid et de fatigue, elle incarnait la vie, elle insufflait la vie, elle vivait la vie. Et son sourire nous illuminait comme un immense soleil.

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